La Conférence des évêques du Canada et le RCCC
Les évêques au Canada, regroupés en conférence, nomme un des leurs qui sera leur lien avec le Renouveau charismatique anglophone et un autre avec le Renouveau charismatique francophone.
De temps en temps, la Conférence des évêques catholiques du Canada émet une lettre pastorale aux gens du Renouveau charismatique. Voici le texte de leur lettre en 2003.
Lettre pastorale de la Conférence des évêques catholiques du Canada
LE RENOUVEAU CHARISMATIQUE AU CANADA EN L’AN 2003
À l’occasion du 35e anniversaire du Renouveau charismatique au Canada, la Conférence des évêques catholiques du Canada adresse cette lettre pastorale à tous les fidèles. Avec un cœur rempli de profonde gratitude et d’espérance renouvelée, nous vous invitons tous à vous unir à nous pour célébrer les nombreuses bénédictions et les nombreux dons que le Renouveau charismatique a apportés à la vie de notre Église canadienne au cours des trente-cinq dernières années. Nous voulons aussi profiter de cette occasion pour mettre en lumière les nouveaux défis que le Renouveau charismatique doit affronter en ces jours où l’Église s’efforce de « s’aventurer au large » au début d’un nouveau millénaire.
Avant de quitter ses apôtres, Jésus les rassure par ces mots : « Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26). Il renouvelle leur espérance par la promesse de ne pas les laisser orphelins; l’Esprit viendra sur eux et Lui-même continuera d’être avec eux. Si nous avions besoin d’un signe tangible que le Christ ressuscité a tenu sa promesse, la présence du Renouveau charismatique dans notre Église catholique canadienne serait certainement un tel signe.
Dès son émergence spontanée au Canada en 1968, le Renouveau charismatique s’est étendu d’un océan à l’autre et dans des endroits très éloignés les uns des autres. Il a fait naître rapidement un grand renouveau de spiritualité et de vitalité. Des groupes de prière ont surgi pratiquement dans chaque diocèse à travers tout le pays et très tôt s’organisent des associations de service religieux et de comités diocésains pour les unir et leur prêter main-forte. Dans le secteur français, dès les années 1974-1975, se fonde l’ACFRCC (Assemblée canadienne francophone du Renouveau charismatique catholique) pour devenir dix ans plus tard l’ADDRC (Association des délégués diocésains du Renouveau charismatique). Peu de temps après, afin d’unir et de soutenir les leaders du Renouveau charismatique au niveau national, le CCRSC (Canadien Charismatic Renewal Services of Canada) fut établi pour le secteur anglophone, et le CCRC (Conseil canadien du Renouveau charismatique) pour le secteur francophone. Chaque secteur publie une revue officielle : The Bread of Life et Selon Sa Parole . Aujourd’hui, plus d’un million de catholiques canadiens ont été touchés ou influencés d’une manière ou d’une autre par le Renouveau charismatique au Canada. On compte quelques 862 groupes de prière dans approximativement 16 % des paroisses catholiques du pays.
Ce qui est particulièrement remarquable dans l’histoire et le rapide progrès du Renouveau charismatique, c’est la façon à la fois spontanée et systématique avec laquelle il a pris naissance parmi les fidèles pour devenir très rapidement un phénomène spirituel dans l’Église catholique canadienne et ce, à travers tout le pays. Ce phénomène est d’autant plus remarquable que le Renouveau charismatique ne doit pas son origine à un fondateur inspiré ou à une figure charismatique. Il n’y a aucune liste de membres adhérents ni d’excès dans des structures rigides ou des règlements internes. Le Renouveau charismatique est d’abord et avant tout un rassemblement d’individus, de groupes de prière, de communautés et d’activités grandement diversifiées. Cependant tous partagent et poursuivent les mêmes buts à savoir : une continuelle conversion à Jésus-Christ, une réceptivité à la présence, au pouvoir et aux dons de l’Esprit Saint, un amour profond de l’Église et à son œuvre d’évangélisation, une fraternité débordante, un zèle joyeux pour la proclamation de l’Évangile. On peut dire que le Renouveau charismatique a été et continue d’être l’œuvre souveraine de Dieu, réalisée par l’action du Saint-Esprit. Il touche la vie d’hommes et de femmes de toutes les couches de la société, renouvelle leur foi et allume en eux un amour et un zèle joyeux pour servir Dieu et son Peuple. Des fidèles laïcs, ainsi que des religieux, des religieuses et des prêtres, ont accepté de se laisser surprendre par Dieu et ils ont connu une expérience quasi tangible de la présence et de l’action de l’Esprit Saint dans leurs vies.
Alors que nous jetons un regard rétrospectif sur les trente-cinq années de l’histoire du Renouveau charismatique, il convient d’élever nos cœurs en action de grâce pour les nombreux dons et nombreuses bénédictions répandus dans l’Église catholique canadienne. Nous invitons tous les fidèles à se joindre à nous alors que nous faisons nôtres ces mots du Pape Jean-Paul II « Comment ne pas rendre grâce pour les précieux fruits spirituels produits dans la vie de l’Église et dans la vie d’un grand nombre de fidèles par le Renouveau ? Combien de fidèles laïcs - hommes, femmes, jeunes gens, adultes et personnes âgées – ont pu faire l’expérience du pouvoir étonnant de l’Esprit et ses dons ! Combien de fidèles gens ont redécouvert la foi et la joie dans la prière, la puissance et la beauté de la Parole de Dieu, traduisant tout cela dans un généreux service de la mission de l’Église ! Que de vies ont été profondément transformées ! »[1]
FRUITS SPIRITUELS ET LE RENOUVEAU CHARISMATIQUE
Afin de mieux célébrer les bienfaits que le Renouveau charismatique a apportés et continue à apporter à l’Église du Canada, nous voulons souligner et identifier ici certains de ses bienfaits spirituels les plus notables.
(1) L’EXPÉRIENCE DE VIE
Ce qui explique peut-être le mieux l’enthousiasme des participants au Renouveau charismatique provient d’une profonde expérience religieuse personnelle. Le Renouveau charismatique n’est pas un enseignement ou un programme de formation comme tel; il est d’abord et avant tout une expérience personnelle ou une rencontre intime avec l’Esprit de Dieu. Par exemple, il y a une énorme différence entre découvrir une région ou un pays en le parcourant soi-même ou tout simplement le connaître en lisant une revue ou un dépliant. Faire le voyage soi-même crée un impact beaucoup plus profond et durable. Il en est ainsi lorsqu’un chrétien(ne) est touché(e) ou envahi(e) par l’Esprit de Dieu. À divers degrés d’intensité, une telle expérience déclenche assez souvent chez la personne une remarquable et profonde transformation dans son comportement et son être. Dorénavant, cette personne a une intuition accrue que l’Esprit de Dieu est réellement vivant, puissant et digne de confiance - même dans le monde sécularisé d’aujourd’hui. À cet égard, le Renouveau charismatique rend un grand service à l’Église en faisant découvrir à chacun de ses membres un discernement personnel sur l’action de l’Esprit Saint et une reconnaissance certaine de la présence de l’Esprit autant dans leur vie personnelle que dans la vie de l’Église. Cependant, il est vrai qu’une telle expérience personnelle de l’Esprit n’est pas réservée à seulement quelques rares membres choisis dans la famille de Dieu. Elle peut se présenter et cela, de fait, arrive souvent, dans la vie de chaque chrétien(ne) qui est fidèle à sa vocation baptismale. Cette expérience est toujours en rapport avec le témoignage des Apôtres et la foi vivante de l’Église à travers les siècles.
Dans la théologie classique de l’Eglise, l’Esprit Saint est l’Amour réciproque du Père et du Fils, ou selon la belle expression de saint Bernard, c’est le baiser du Père et du Fils. Saint Thomas d’Aquin décrit la troisième Personne de la Trinité comme la respiration du Père et du Fils, le battement même du cœur de Dieu. Le Père et le Fils sortent d’eux-mêmes, pour ainsi dire, comme dans une extase mutuelle. Et de cette commune extase, jaillit l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas ici d’une simple abstraction. Nous sommes au cœur même de la vie chrétienne. C’est ce dont le Renouveau charismatique a fait l’expérience et, de peur que nous l’oublions, il cherche à nous rendre plus conscients du fait que le Christ ressuscité veut que nous partagions l’Amour et la vie intimes de Dieu et que nous expérimentions aussi son propre Esprit, son Extase divine.
(2) LA PRIÈRE
Un autre trait caractéristique du Renouveau charismatique est la grande importance accordée à la prière, spécialement à la prière de louange et d’action de grâce. Il a résolument fait sienne l’exhortation de saint Paul : «Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse, rendez grâce en toute circonstance, car c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit,…» (1 Th 5,16-19).
Le but premier de la prière et des groupes de prière est de rendre grâce à Dieu le Père, par l’intermédiaire de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans la puissance de l’Esprit Saint. Une réunion de prière typique consiste généralement en chants de louange et de prières spontanées adressés au Père, au Fils et à l’Esprit Saint. Elle est ponctuée par des lectures de l’Évangile, des moments de silence, du partage, des prières pour demander des guérisons et elle se termine souvent par des témoignages personnels et des remerciements. Ces rencontres de prière s’inspirent des paroles de saint Paul : « …Quand vous êtes réunis, chacun de vous peut chanter un cantique, apporter un enseignement ou une révélation, parler en langues ou bien interpréter : que tout se fasse pour l’édification commune » (1 Co 14,26). Ou bien encore lorsque saint Paul exhorte les chrétiens : « …Soyez remplis de l’Esprit. Dites ensemble des psaumes, des hymnes et des chants inspirés; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre cœur. En tout temps, à tout sujet, rendez grâce à Dieu le Père au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ » (Ep 5,18-20).
Cette insistance sur la prière, tant individuelle que communautaire, est bien en accord avec l’exhortation du Pape Jean-Paul II. Dans sa lettre apostolique Novo Millennium Ineunte, il parle de la prière comme « la substance même et l’âme de la vie chrétienne » , laquelle, dit-il, « est façonnée en nous par l’Esprit Saint » (no. 32). C’est comme si le Pape faisait allusion au Renouveau charismatique lorsqu’il invite toutes les communautés chrétiennes de devenir « de véritables écoles de prière » (no. 33) – car, en effet, fondamentalement, c’est ce en quoi consiste le Renouveau charismatique.
(3) LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION
En 1983, le Pape Jean-Paul II a fait un 1er appel en faveur d’une « nouvelle évangélisation » nouvelle par « son ardeur, ses méthodes et dans son expression ». Le cœur et la source de cette nouvelle évangélisation se trouvent dans « l’impénétrable richesse du Christ » (Ep 3,8) et la nécessité de proclamer l’amour rédempteur de Dieu manifesté en Jésus-Christ. L’évangélisation commence toujours par une profonde conversion à la personne du Christ. C’est la continuation du ministère de Jésus, à travers l’Église, par la puissance de l’Esprit Saint. La contribution du Renouveau charismatique a été remarquable aussi en ce domaine. Il a toujours considéré la conversion personnelle comme le but de l’évangélisation, c’est-à-dire, un abandon total à la personne de Jésus Christ, un abandon qui, en retour, donne accès à la puissance de l’Esprit Saint. C’est ce qui donne aux participants(es) du Renouveau charismatique l’ardent désir du baptême dans l’Esprit. Ces derniers cherchent à faire l’expérience la plus profonde possible du surgissement du Saint-Esprit et à être confirmés dans cette « vie nouvelle » qui en résulte. L’expression « baptisé dans l’Esprit » indique une expérience de Dieu qui produit chez la personne plusieurs effets tels : un nouveau ou plus grand désir de prier, une augmentation considérable de sa faim d’une meilleure compréhension de l’Écriture Sainte, une connaissance plus pénétrante de l’Esprit de Dieu et un désir personnel de promouvoir la mission d’évangélisation de l’Église.
Ce n’est pas une nouveauté dans l’Église : le Saint-Esprit a toujours été actif dans l’Église, et le Nouveau Testament présente cela comme tout à fait normal dans la vie de chaque chrétien(ne). Ce qui est nouveau et ce qu’apporte le Renouveau charismatique à l’Église aujourd’hui, c’est précisément une prise de conscience plus vive et renouvelée de la présence active et des œuvres de l’Esprit. Cela demeure le cœur et le point central de la spiritualité du Renouveau. Ainsi, le Renouveau charismatique ne se considère pas comme un mouvement « à part » de l’Église. Au contraire, il se voit comme une conséquence ecclésiale tout à fait normale de ce qui arrive lorsqu’on embrasse et prend au sérieux l’initiation chrétienne dans sa plénitude. Voilà pourquoi le Pape Paul VI et le Pape Jean-Paul II ont insisté tous les deux sur le fait que le Renouveau charismatique est une grâce dans l’Église et pour l’Église entière.
(4) LE SERVICE GRATUIT RENDU AUX AUTRES
Le Renouveau charismatique nous rappelle constamment que les charismes sont, d’abord et avant tout, des dons de Dieu et « sont excessivement convenables et utiles aux besoins de l’Église »[2]. Ces dons sont confiés à des individus d’abord pour le bénéfice des autres. Les membres du Renouveau charismatique ont toujours été très conscients de cette dimension de service qui découle des dons de Dieu ainsi dispensés. À cet égard, ils prennent très au sérieux les paroles de l’apôtre Pierre : « Mettez-vous, chacun selon le don qu’il a reçu, au service les uns des autres, comme de bons administrateurs de la grâce de Dieu, variée en ses effets » (1 P. 4,10). Évidemment, cela ne veut pas dire que seuls les membres du Renouveau charismatique reçoivent de tels dons; au contraire, chaque chrétien est ainsi gratifié dans le sacrement du baptême et celui de la confirmation : « chacun reçoit de Dieu un don particulier, l’un celui-ci, l’autre celui-là » (1P. 7,7). Cependant, le Renouveau charismatique a certainement été un bon et fidèle intendant en nous évitant de négliger l’importance des dons gracieux de Dieu à son Église pèlerine. Les membres du Renouveau sont non seulement rapides à reconnaître les dons des autres, mais ils sont prêts à servir les autres et partager avec eux quelle que soit la nature de ces dons qu’ils ont eux-mêmes reçus.
Le Renouveau charismatique rend ainsi un précieux service à l’Église par ce qu’on pourrait appeler « sa fonction mémoriale » : il nous oblige tous à nous rappeler et à garder constamment en mémoire quelque chose que nous avons appris par la révélation divine, mais qu’en pratique nous sommes souvent portés à oublier, à savoir, le caractère purement gratuit de notre existence chrétienne. Par cette capacité « mémoriale » le Renouveau charismatique est un vrai signe pour tous les fidèles que l’Esprit Saint entoure et habite tout à la fois la famille de Dieu. Il sert à nous rappeler avec force que nous devons tous avoir une attitude d’ouverture et de disponibilité reconnaissante pour chaque don que l’Esprit désire déposer dans notre cœur. De tels dons sont ultimement dispensés pour la construction et l’édification de la communauté ecclésiale.
(5) LES GUÉRISONS
Un autre trait saillant du Renouveau charismatique est son ministère de guérison. Très tôt, le Renouveau a compris que ce ministère faisait partie intégrale du ministère de Jésus et que ce dernier a donné ce pouvoir à ses disciples également. La foi semble avoir été un élément crucial au moins dans certains cas de guérisons, effectuées par Jésus, comme lorsqu’il dit : « Va, ta foi t’a sauvé » (Mc 10,52). Par contre, en d’autres circonstances, par contraste, l’incrédulité et le manque de foi de la part de ses auditeurs empêchaient parfois la guérison de se produire : « Et il ne pouvait faire là aucun miracle, pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas » (Mc 6, 5-6).
Le Renouveau charismatique considère la guérison comme un des pouvoirs du Saint-Esprit et il a embrassé ainsi ce ministère comme une partie intégrante de sa mission. Il a reconnu aussi que chez les êtres humains, il y a différentes sortes de maladies : maladies du corps causées par un mal physique ou un accident; maladies du psychisme due à des traumatismes psychologiques du passé; maladies d’âme causées par le péché personnel ou par l’action des forces du mal. Jésus aussi a reconnu ces différents besoins de guérison : (a) au niveau physique comme, lorsqu’il a guéri l’aveugle, le boiteux, le paralytique ; (b) le recouvrement de la dignité humaine perdue comme, lorsque Jésus a pardonné à la femme adultère ou rendu hommage à Zachée; et (c) au point de vue du sens moral et de la libération des puissances de la vie, comme lorsqu’il a chassé les puissances démoniaques, ou lorsqu’il a enseigné comment vivre les Béatitudes et l’amour du prochain.
En d’autres mots, le Renouveau charismatique ne considère pas la guérison seulement à partir de la maladie physique, mais de n’importe quel obstacle qui empêche de s’abandonner complètement à Dieu. Tout comme Jésus lui-même, le Renouveau charismatique comprend d’abord son ministère de guérison comme un moyen d’enlever les obstacles qui empêchent quelqu’un de prendre conscience de la présence de Dieu, une façon de susciter une réponse plus pure, plus vraie à l’amour de Dieu. De ce point de vue, la guérison n’est pas perçue comme un moyen en soi, mais comme une façon de rendre gloire au Père, au nom de Jésus-Christ, par le pouvoir de guérison de l’Esprit.
Dans son tout premier message pastoral sur la maladie et la guérison, pour une espérance nouvelle dans le Christ - lettre qu’il vaut la peine de relire - la Conférence canadienne des évêques catholiques reconnaissait le grand intérêt de la Bible pour la santé de toute la personne et de toutes les personnes, un ministère que l’Église a toujours été fidèle à remplir tout au long de son histoire. La lettre pastorale reconnaissait aussi qu’avec Jésus « la guérison de l’âme et du corps devient un signe évident que le Royaume de Dieu est déjà présent »[3].
Pour tous ces dons précieux et plusieurs autres que le Renouveau charismatique a dispensés à l’Église du Canada au cours de ces trente-cinq dernières années, nous rendons grâce et nous bénissons le Seigneur de qui toutes bonnes choses nous sont données par l’Esprit Saint.
NOUVEAU MILLÉNAIRE ET NOUVEAUX DÉFIS
Dans sa lettre apostolique Novo Millennium Ineunte, le Pape Jean-Paul II a tracé un véritable trajet de navigation pour l’Église alors qu’elle s’aventure dans un nouveau millénaire. Dans sa lettre, il a effectivement tourné le regard du Peuple de Dieu vers l’avenir en anticipant les défis qui nous attendent. Dans un même état d’esprit, nous portons maintenant notre attention sur quelques défis que le Renouveau charismatique aura à faire face dans les années à venir.
(1) LA QUESTION DES SÉANCES DE GUÉRISON
Tout en reconnaissant que la guérison fait partie intégrante de la vie et du ministère du Renouveau charismatique et que, au fil des années, plusieurs personnes ont été les bénéficiaires du pouvoir de guérison de l’Esprit, il faut se rappeler que les dons de guérison de l’Église dépassent le seul cadre des guérisons charismatiques. Dans son message pastoral de 1983, Nouvelle espérance dans le Christ, La Conférence canadienne des évêques catholiques parlait de la diversité des ministères de guérisons disponibles dans l’Église :
« Certaines personnes apportent cette plénitude de vie en assumant leurs propres souffrances. D’autres, s’appuyant sur leurs talents naturels, ont développé leur habilité médicale sous l’égide du Christ. D’autres encore ont été gratifiés de ce don peu commun qu’est le charisme de guérison. Tous ces dons, l’Église les célèbre et les récapitule pour ainsi dire dans le sacrement de l’Onction des malades où le ministère ecclésial de guérison est intimement associé au ministère de la réconciliation ».[4]
Le riche potentiel de ces différentes formes du ministère de la réconciliation dans l’Église doit être exploité et célébré, sans exclusion aucune.
On ne devrait pas introduire ou incorporer un service de prière de guérison à l’intérieur de la célébration eucharistique. La célébration eucharistique, à cause de sa propre structure rituelle, n’est pas le lieu apte à incorporer un service de guérison. Par ailleurs, il est possible de concevoir qu’un service de prière de guérison peut avoir lieu avant ou après la messe pour ceux qui ont manifesté le désir ou le besoin d’un tel service. La guérison revêt toujours une dimension sociale, comme d’ailleurs toute forme de réconciliation. Peut-on rêver que la demande de réconciliation, comme la prière de guérison, devienne pratique normale dans la vie quotidienne, surtout dans nos familles chrétiennes. En effet, la prière de guérison revient de droit à tout chrétien baptisé, elle n’est pas restreinte aux seuls ministres ordonnés. Quand une onction survient dans un service charismatique de guérison il est important d’expliquer clairement aux fidèles qu’il ne s’agit pas d’une onction sacramentelle. Lorsque l’huile est utilisée pour une onction non sacramentelle à l’occasion d’un service de prière de guérison, on prendra soin d’expliquer la différence de celle-ci avec celle du sacrement de l’Onction des malades.
(2) L’APPUI ET L’ENGAGEMENT DES PRÊTRES
Les membres et les dirigeants du Renouveau charismatique ont souvent exprimé le désir et le besoin d’un plus grand encouragement et d’une plus grande participation des prêtres dans le Renouveau. Ce désir s’exprime en terme d’un besoin croissant du Renouveau pour la direction spirituelle et l’accompagnement. Il y a eu tellement de changements depuis le début du Renouveau charismatique au Canada qu’à cette étape de maturité, ses membres se sentent souvent privés de l’aide et de l’appui dont ils auraient besoin dans notre monde en changements si rapides. Il n’y a pas de doute, la direction spirituelle est en grande demande aujourd’hui dans chaque secteur de la vie. Comme ce fut peut-être le cas dans le passé, elle n’était pas tellement considérée si ce n’est comme un luxe spirituel utile seulement à quelques hommes et femmes religieux. Aujourd’hui, la direction spirituelle est considérée comme une composante essentielle de la vie de foi par un nombre grandissant de fidèles laïcs. C’est quelque chose dont ils ont besoin et qu’ils demandent de plus fréquemment – et avec raison ! De plus, plusieurs expriment le besoin d’être accompagnés lorsqu’ils viennent du « nouvel âge », l’ésotérisme, l’occultisme ou d’autres mouvements spirituels qui sont présents dans notre société d’aujourd’hui.
D’un autre côté avec la diminution du nombre de prêtres dans plusieurs diocèses, le nombre de demandes de services pastoraux exigés des prêtres a augmenté considérablement. On ne peut s’attendre non plus à ce qu’un prêtre soit un expert pour résoudre tous les problèmes qui surgissent dans la société d’aujourd’hui – encore moins d’avoir toutes les réponses à ceux-ci . Bien qu’il existe «beaucoup de bonne volonté» et de «sympathie mutuelle» et de la part du Renouveau charismatique et des prêtres en général, le besoin d’une collaboration plus étroite demeure. On doit trouver le moyen de relever ce défi, ce qui requiert certainement de part et d’autre une « plus grande créativité de charité » , comme l’a demandé le Pape Jean-Paul II[5].
Par conséquent, nous exhortons tous les prêtres et séminaristes à étudier et à faire des efforts pour devenir plus compétents dans l’art de la direction spirituelle. La foi est un voyage ardu même dans les situations les plus favorables; mais aujourd’hui, plus que jamais, les fidèles requièrent des guides et des conseillers compétents dans le domaine spirituel. Le directeur spirituel d’aujourd’hui doit être très attentif à la présence de Dieu dans la vie de son dirigé et accompagner cette personne pour qu’elle intègre bien prière et vie, contemplation et action, foi et justice. Cette faim grandissante pour la direction spirituelle n’est-elle pas un des nouveaux « signes des temps » ?
Serait-ce un signe providentiel qui nous invite à repenser nos priorités ministérielles? Nous pressentons qu’il y a là une heureuse opportunité d’accompagner et de cheminer avec les fidèles en recherche, de les aider à découvrir le grand trésor de leur cœur, à savoir, la beauté et les profondeurs de la grâce déjà reçue en eux au baptême.
(3) LA QUESTION DU LEADERSHIP
Alors qu’il se prépare à «avancer au large» du nouveau millénaire, le Renouveau charismatique fait bien d’examiner à nouveau la manière dont ses dirigeants(es) assument et accomplissent leurs fonctions. Plusieurs ont fait la remarque qu’après trente-cinq ans, le Renouveau charismatique au Canada a perdu un peu de sa vitalité originelle, que l’engagement envers le Renouveau a diminué et que certains dirigeants(es) de groupes de prière au niveau local commencent à éprouver de la fatigue après des années de direction à la tête de ces groupes. Le fardeau du leadership prolongé au niveau local serait-il une raison qui expliquerait pourquoi le Renouveau a perdu une partie de sa vitalité initiale, de son dynamisme et de sa capacité d’attirer les plus jeunes membres de la communauté ecclésiale ?
C’est une certitude, un bon leadership et une bonne direction font aussi partie des dons de l’Esprit Saint. Dans sa lettre aux Romains (Rm 12, 6-8), saint Paul nous rappelle que la fonction de « celui qui préside » est une vocation, un don du Saint-Esprit. Cependant, un tel don exige une formation continue pour acquérir les habilités d’un leadership efficace. Dieu travaille avec la nature et non pas contre la nature, pour citer une vieille maxime du Moyen-Âge, ce qui signifie que nous devons coopérer aux dons de Dieu avec tout le savoir-faire humain et toutes les ressources mises à notre disposition. Par conséquent, il est d’une importance capitale de revoir périodiquement et d’évaluer la manière avec laquelle – et avec quel succès – le leadership du Renouveau charismatique est vraiment assumé, maintenu, exercé et éventuellement transmis à une génération plus jeune. Sans une telle réévaluation continuelle de son leadership, un mouvement peut perdre sa vitalité initiale, son élan et son attrait contagieux. Une telle révision devrait honnêtement réexaminer les critères qui servent aux choix des dirigeant(es), la manière dont ils assument cette responsabilité, l’étendue des moyens qu’ils se sont donnés pour une formation continue, le temps de leur mandat dans cette fonction et la procédure ou le mécanisme de transmission du leadership d’une façon harmonieuse à la fin d’un mandat dans le mouvement.
Un leader est une personne dont le principal souci est l’efficacité i.e. qu’il s’assure que les bonnes conditions et directives ont été établies de manière à encourager les personnes à donner tout leur potentiel. Le leader comprend que des résultats soutenus à long terme ne s’obtiennent pas en commandant aux gens de faire des choses. Le leadership suppose une manière d’agir où les gens suivent volontiers. Cela requiert de l’habilité à planifier, à organiser, à coordonner et à diriger. Cela est particulièrement vrai de nos jours alors que le leader doit composer avec des changements accélérés, une diversité de cultures, beaucoup d’attentes de la part des membres et un défi continuel en regard des ressources, tant humaines que financières. Une telle attention aux qualités humaines de base ne contredit pas l’attention aux dons et aux inspirations spontanées du Saint- Esprit : au contraire, le développement de ces qualités de leader ne peuvent que mettre en valeur et appuyer le travail de l’Esprit.
Un bon leader chrétien n’est pas seulement un bon administrateur mais il « rend témoignage » à l’Évangile dans et par l’exemple de sa vie. Voilà ce qui donne spécialement à un leader une force d’attraction irrésistible. Comme l’a souligné le Pape Jean-Paul II : « Unis au Christ, le « grand prophète » (Lc 7,16), et constitués dans l’Esprit témoins du Christ Ressuscité, les fidèles laïcs sont appelés à faire briller la nouveauté et la force de l’Évangile dans leur vie quotidienne, familiale et sociale ».[6] Plongés comme ils le sont dans le monde qui est leur milieu normal de travail, on compte sur les fidèles laïcs pour manifester le Christ à travers le témoignage de leur vie de foi, d’espérance et de charité. En effet, leur capacité à rendre témoignage dans le monde est d’autant plus grand si leur vie rayonne d’une sainteté personnelle, puisque « la sainteté est le plus grand témoignage de la dignité conférée à un disciple du Christ ». [7]
(4) LA QUESTION DE LA FORMATION PERMANENTE
La formation revêt non seulement une importance particulière pour les responsables de groupe, mais, en ces temps de changements rapides, il devient de plus en plus évident que la formation permanente doit être accessible aussi à tous les membres de tout mouvement ecclésial – à vrai dire à tous les fidèles laïcs. Dans son exhortation apostolique Christifideles Laïci, le Pape Jean-Paul II alla jusqu’à dire avec une grande insistance que la formation des fidèles laïcs doit figurer parmi les priorités de chaque diocèse. «Mieux nous nous formons, écrit-il, et plus nous éprouvons le besoin de poursuivre et d’approfondir cette formation, plus nous sommes formés et nous nous rendons capables de former les autres ».[8] Le chapitre V de cette exhortation apostolique est entièrement consacré aux multiples aspects inter-reliés de ce que le Pape Jean-Paul II appelle une «formation totalement intégrée» du fidèle. Les diverses composantes d’une telle formation, explique-t-il, comprennent : la formation spirituelle, la formation doctrinale, l’indispensable besoin de posséder une connaissance plus précise de la doctrine sociale de l’Église, aussi bien que la culture des valeurs humaines.
Nous exhortons donc les membres du Renouveau charismatique ainsi que tous les fidèles laïcs à faire un plus grand usage des nombreuses ressources bibliques et théologiques présentement à notre disposition. Dans le monde pluraliste d’aujourd’hui, où tant de points de vues et d’opinions en opposition cherchent à influencer, le besoin d’une formation continue en théologie est évident. Cela s’avère particulièrement vrai en ce qui concerne la façon dont les gens interprètent la Bible aujourd’hui. Certaines personnes en font une lecture fondamentaliste, trop littérale, alors que d’autres en font une lecture trop subjective. Face à ces deux extrêmes, la pensée théologique, enracinée dans une foi vive et éclairée, s’avère un élément important dans une juste lecture de la Bible. En effet, en tant que « foi en recherche d’intelligence », la théologie n’est rien d’autre que l’effet d’approfondir et de mieux comprendre notre foi, de mieux l’exprimer et ainsi de rendre compte de l’espérance qui nous habite (1 P 3,15).
La Commission de théologie de la Conférence des évêques catholiques du Canada a récemment créé un site Web qui offre une riche documentation pour cette formation permanente : http://theologie.cccb.ca/ Vous y trouverez des modèles utiles pour des groupes de discussion, des méditations et des réflexions sur tous les thèmes majeurs de la lettre apostolique du Pape Jean-Paul II, Novo Millennium Ineunte. De plus, il y a plusieurs ressources théologiques disponibles qui peuvent aider quelqu’un dans l’acquisition d’une meilleure «formation intégrale». Le Pape nous le rappelle, une attention spéciale doit être apportée à la culture locale dans laquelle nous vivons et travaillons : «La formation des chrétiens tiendra le plus grand compte de la culture humaine du lieu, qui contribue à la formation elle-même».[9] «En ce sens, la culture doit être considérée comme le bien commun de chaque peuple, l’expression de sa dignité, de sa liberté et de sa créativité, le témoignage de son cheminement historique ».[10]
CONCLUSION
Nous reprenons ici, pour le bénéfice de tous les catholiques canadiens, les mots de conclusion du premier message que nous vous adressions en 1975 sur le Renouveau charismatique :
Demeurons à l’écoute de l’Esprit. Lui seul peut mener à leur terme, par des chemins qu’aucune main humaine ne peut tracer à l’avance, nos efforts conjugués pour construire la communauté ecclésiale de demain.
Cette exhortation pastorale est aussi d’à-propos aujourd’hui alors que nous énoncions ces mots pour la première fois il y a trente-cinq ans. On peut même dire qu’ils prennent un sens encore plus urgent aujourd’hui alors que nous nous aventurons, ensemble, sur les eaux incertaines d’un nouveau millénaire.
Pentecôte 2003
[1] Paroles adressées par le Pape Jean-Paul II au Service National du Comité Italien « Renouveau dans l’Esprit » Rome, le 4 avril, 1998
[2] Concile Vatican II Lumen Gentium, # 12
[3] CECC, Pour une nouvelle espérance dans le Christ, 1983, # 11
[4] CECC, Pour une nouvelle espérance dans le Christ, 1983, # 26
[5] Novo Millennium Ineunte, # 50
[6] Jean-Paul II, Exhortation apostolique Christifideles Laïci, # 14
[7] Idem
[8] Ibidem # 63
[9] Christifideles Laïci # 63.
[10] Jean-Paul II, Exhortation apostolique, Christifideles Laïci, # 44